[Semaine pénitentiaire] Les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS)

Les équipes régionales d’intervention et de sécurité

par Hakima BOUDISSA, membre du Comité Sécurité Intérieure

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Dans le cadre de la semaine pénitentiaire, le comité sécurité intérieure des Jeunes de l’IHEDN a décidé de mettre en lumière les ERIS en dressant le portrait des hommes et des femmes qui les composent. En effet, ces personnels pénitentiaires, spécialement formés pour assurer la sécurité intérieure des établissements pénitentiaires, assurent une multitude de missions concourant à la sécurité intérieure. Pour ces agents, la cohésion et l’esprit d’équipe sont les maîtres mots.

Histoire

Alors que l’administration pénitentiaire est traditionnellement critiquée au sujet des droits des personnes détenues, c’est le manque de sécurité au sein de ses établissements qui est pointé du doigt au début des années 2000 par la presse et la critique publique. Des établissements connaissent une série d’incidents graves, qui retiennent l’attention de l’opinion publique, comme la tentative d’évasion violente avec prise d’otages du braqueur Christophe Khider (centre pénitentiaire de Fresnes, mai 2001), ou encore la mutinerie à la maison centrale de Clairvaux (février 2003).

Au lendemain des élections présidentielles de 2002, le ministère de la justice réagit. Dominique Perben, nommé garde des Sceaux, mandate le directeur de l’administration pénitentiaire alors en poste, Didier Lallement, pour travailler à une réforme ambitieuse de l’administration pénitentiaire (AP). Un état-major de sécurité est constitué au sein de l’administration centrale pénitentiaire. Celui-ci conçoit une véritable doctrine en matière de sécurité pénitentiaire et dote l’AP de sa propre force de sécurité, les ERIS1. Dans le cadre de la coopération inter-service, les ERIS seront initialement formées par le groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

En 2006, une brigade cynotechnique est créée, distincte des ERIS, afin de les accompagner dans leurs missions et améliorer les capacités d’actions des agents pénitentiaires sur le terrain. Ses agents sont des surveillants pénitentiaires ayant validé un diplôme de maître-chien dans le secteur privé, recrutés sur nomination et non sur concours.

Missions et cadre juridique d’intervention

Les ERIS ont pour mission de sécuriser les établissements pénitentiaires en travaux, sécuriser le plan national de fouilles générales dans les établissements, transfèrement des détenus particulièrement signalés (DPS) et, en cas de besoin, rétablir l’ordre ou le maintenir.

Placés sous l’autorité hiérarchique du directeur interrégional des services pénitentiaires (DI), les ERIS interviennent dans les établissements pénitentiaires sur demande du chef d’établissement (CE) qui, après avoir évalué la menace, fait appel à son autorité hiérarchique (le DI). Il y a donc une équipe d’intervention et de sécurité par direction interrégionale (Lille, Rennes, Paris, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille), la gendarmerie étant compétente en Outre-mer.

L’intervention des ERIS vient ainsi pallier les insuffisances humaines ou matérielles de l’établissement, eu égard à l’incident auquel il est confronté (refus massif de réintégrer, attentat, fouille sectorielle de masse, nécessité de recourir à la force armée, etc.).

Il est à noter que dans certains cas graves ou nécessaires, le chef d’établissement (CE) peut directement faire appel aux forces de sécurité intérieure compétentes (police ou gendarmerie), avant obligation d’information au préfet de zone de défense, du directeur interrégional et du Procureur de la République. Ces situations ne sont d’ailleurs pas exclusivement consécutives du fait des détenus. Ainsi, à titre d’exemple, policiers et gendarmes ont été réquisitionnés par de nombreux préfets pour pallier la pénurie de personnels de surveillance pendant les grèves massives début 20182. Dans ces situations, l’entrée des forces de sécurité intérieure non pénitentiaires est soumise à l’autorisation expresse du CE mais le recours à la contrainte et aux armes par les policiers et gendarmerie en détention est encadré par le plan de protection et d’intervention (PPI) validé par le préfet. Dès lors que policiers et gendarmes interviennent dans l’établissement pénitentiaire, le préfet se substitue à l’autorité du CE et conduit les opérations de l’ensemble des forces réquisitionnées. Tous sont soumis aux mêmes règles d’usage de la force34.

Source : École nationale d’administration pénitentiaire.

Perspectives

Alors que la création des ERIS a soulevé quelques interrogations quant à l’utilité d’une telle force, leur connaissance du milieu carcéral et de ses spécificités a démontré leur pertinence après plus de quinze années de service. C’est leur connaissance spécialisée de l’architecture carcérale et de la détention qui leur ont permis, par exemple, d’évacuer l’intégralité des personnes détenues des établissements pénitentiaires d’Arles et de Draguignan suite à des inondations d’une gravité exceptionnelle en décembre 2003 puis en juin 2010.

Dans le cadre de la coopération inter-service, les échanges avec les autres forces de sécurité (GIGN, CRS, GIPN) sont fréquents et renforcent la place de l’administration pénitentiaire dans ses missions de sécurité. Cette collaboration est capitale dans la mesure où les ERIS interviennent de plus en plus fréquemment en dehors de l’espace géographique carcéral (prise en charge des extractions des DPS et soutien aux autres forces de sécurité intérieure, sécurisation des espaces accueillant des personnes détenues nécessitant des soins médicaux, etc.). De leurs partenaires, les ERIS apprennent en continu technique et tactique pour les mettre à profit de l’administration pénitentiaire et de l’ensemble de ses agents.

Selon les chiffres annuels et publics du ministère de la justice, au 31 décembre 2017, les effectifs des ERIS étaient de 367 agents dont 318 surveillants, 34 premiers surveillants et 15 officiers. En 2017, ils ont réalisé 2 109 missions dont 30% en missions de transfèrement, 18% en formations dispensées, 10% de fouilles sectorielles et 11% des extractions judiciaires. Les mutineries, évacuations ou autres actions de gestion de crise représentaient seulement 3,6% de leur action.

Avez-vous le profil ?

Les personnels des ERIS sont recrutés par voie de sélection professionnelle : le concours est réservé aux personnels de surveillance titulaires. Pour les agents concernés, la sélection se compose d’épreuves sportives, de tests psychologiques et d’un entretien avec un jury. Pour rappel, le concours est ouvert aux femmes : les ERIS de Paris ont d’ailleurs accueilli la première femme officier ERIS de la DISP début 2019 !

Le sens de la discipline, l’esprit d’équipe et le goût pour l’effort et les activités physiques sont des qualités essentielles pour intégrer une équipe d’intervention et de sécurité.

Les agents retenus suivent une formation complète de dix semaines : modules de tir, maintien de l’ordre, apprentissage des techniques opérationnelles et de prise en charge des transfèrements, gestion du stress, entretien physique et pratique de sports de combat (boxe et jujitsu notamment).

1 On se réfèrera utilement à la circulaire du 27 février 2003 et la note n° 000131 du 20 octobre 2003 relative à la gestion des détenus les plus dangereux incarcérés dans les maisons d’arrêt

2 CALANT Guénaèle, « Seine-et-Marne : 20 policiers ont pris la place des surveillants dans la prison de Meaux-Chauconin », Le Parisien, 24 janvier 2018.

3 BOUDISSA Hakima, « L’emploi de la contrainte et des armes en détention », comité sécurité intérieure des Jeunes de l’IHEDN, avril 2019.

 

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