VISOV, une association pour une gestion de crise citoyenne

 

Les volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (VISOV),[1]
une association pour une gestion de crise citoyenne

 

Il est 17h12 lorsque les pompiers reçoivent l’appel qui les informe de l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. Il ne leur faut pas plus d’une dizaine de minutes pour se rendre sur les lieux. Pourtant, avant même leur arrivée, les premières photos de l’événement apparaissent sur les réseaux sociaux. De même, lors du séisme au Népal, des nouvelles de certains survivants français nous sont parvenues bien avant le déclenchement de la cellule de crise du Ministère des Affaires Étrangères. Cela s’explique notamment par le fait qu’aujourd’hui, plus d’un Français sur deux possède un smartphone et 52% des internautes utilisent les médias sociaux[2].

Ainsi, les réseaux sociaux, et en particulier Twitter et Facebook, sont désormais indissociables de la gestion de crise. Des informations diverses apparaissent avant même que les autorités ou les entreprises aient eu le temps de réagir. Ces réseaux sociaux sont parfois même utilisés pour avertir les secours. En novembre 2014, lors des inondations à Lalonde-les-Maures (Var) une personne n’arrivant pas à joindre les secours a tweeté son appel à l’aide qui a été relayé par la mairie aux services de secours.

Toutefois, si les réseaux sociaux constituent une source d’information, ils véhiculent également des rumeurs. C’est pourquoi l’association des volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (VISOV), officiellement créée en janvier 2014 mais active sur les réseaux sociaux depuis 2012, souhaite promouvoir une meilleure utilisation des médias sociaux en gestion d’urgence (MGSU). Inspirée du modèle américain de “Social media in emergency management”, l’association VISOV est composée d’une centaine de volontaires. Leur objectif : anticiper les crises pour une meilleure gestion mais aussi freiner les rumeurs qui se propagent sur les médias sociaux. VISOV se concentre particulièrement sur la sécurité civile et vient en aide aux organisations de secours en récoltant des informations sur les réseaux sociaux et en apportant rapidement des éléments de terrain analysés et vérifiés.

Une équipe virtuelle soudée par des valeurs communes

Les volontaires sont issus de milieux différents mais ont tous pour points communs leur expérience des réseaux sociaux. Beaucoup d’entre eux travaillent déjà dans le milieu de la sécurité civile (Croix Rouge, pompiers, Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, protection civile…) mais l’équipe est également composée de photographes, journalistes, cartographes ou psychanalystes. Certains volontaires se trouvent même à l’étranger, notamment au Canada, ce qui permet de mener une veille dans un fuseau horaire plus large.

Même si la plupart des volontaires ne se sont jamais rencontré physiquement, ils forment une équipe virtuelle qui se réunit sur WhatsApp ou Skype pour échanger des informations mais aussi former les nouveaux arrivants à certaines spécificités des réseaux sociaux. La salle « volontaires » leur permet de mener une veille quotidienne sur les événements à risque en France et dans le monde. En cas de crise, c’est via la salle « activation » que les volontaires reçoivent un message d’alerte. Ils ont alors pour mission de se rendre sur les réseaux sociaux pour récupérer un maximum d’informations qu’ils partagent sur un document commun en ligne, actualisé en temps réel, auxquels leurs partenaires ont accès. Il peut s’agir des secours mais également du ministère de l’Intérieur, en particulier le Centre opérationnel de gestion interministérielle de crise (COGIC)[3]. Parallèlement, les volontaires peuvent faire remonter des demandes d’aide formulées sur les réseaux sociaux jusqu’aux secours. Par ailleurs, cette équipe virtuelle est accompagnée par des experts qui la conseillent dans les domaines de gestion de crise, météorologie ou sismologie.

Anticiper les crises par une veille active sur les réseaux sociaux

En temps normal, une cellule de veille est continuellement active, ce qui permet d’anticiper les événements, en particulier les catastrophes naturelles. En effet, la plupart des « activations » concernent des intempéries. C’est pour cette raison que VISOV a établi un partenariat avec La Radio Météo, une radio associative qui lui permet de bénéficier d’une expertise météorologique très précise, à la commune près. Par exemple, à l’automne 2015, dans le cadre des intempéries dans le Gard, cela a permis de savoir à quel moment les communes allaient être impactées. Les pompiers ont ainsi pu anticiper et placer des sauveteurs en pré-alerte. Autre appui utile, celui du Centre sismologique euro-méditerranéen (CSEM)[4] qui permet de recenser les séismes à travers un réseau de sismographes et de mesurer leurs effets. Sont également partenaires de l’association des applications comme Qwidam[5] ou Vialert[6]. Parallèlement, VISOV utilise des applications communautaires comme l’application de trafic et de navigation Waze[7], très utile pour connaître l’état des routes, chaque utilisateur pouvant commenter en direct la situation en joignant également des photos. Cela permet notamment aux secours de savoir quels chemins emprunter et à quel endroit précis leur aide doit être apportée.

Cette veille sur les réseaux sociaux permet de qualifier et de quantifier l’événement mais aussi de le cartographier. En effet, l’objectif du VISOV est de structurer les informations et de les rendre intelligibles pour la gestion de crise. Par ailleurs, la crédibilité des informations sur ces réseaux est toujours évaluée car il arrive que des rumeurs et fausses informations y circulent.

Assurer une information fiable

Au début d’une crise les réseaux sociaux sont submergés d’informations qui sont en majorité fiables. Mais après quelques dizaines de minutes les premiers trolls[8] apparaissent et se mélangent rapidement aux informations fiables. L’objectif des volontaires est donc de vérifier l’information pour pouvoir écarter les rumeurs et faire remonter des données fiables aux services de protection civile. Pour cela, une méthode assez simple est utilisée : demander aux personnes ayant posté les informations si elles sont présentes sur les lieux ou leur demander d’où provient l’information.

Leur capacité d’analyse a notamment été mise à l’épreuve le 13 novembre dernier. En effet, quarante-trois volontaires ont passé la soirée à scruter Internet et les réseaux sociaux pour dissocier les informations crédibles des rumeurs.

Ils se sont ainsi intéressés aux alertes concernant de prétendues nouvelles attaques au Panthéon, au centre Pompidou ou à la gare du Nord. Pour vérifier ces informations, ils ont notamment regardé le nombre de personnes mentionnant l’événement en question. Dans le cas de la gare du Nord, un seul internaute évoquait ce supposé attentat. Cette information a donc été écartée. Toutefois, signaler les rumeurs permet également de les faire remonter aux autorités et de les démentir publiquement mais aussi de gérer les craintes de la population et d’adapter la réponse et les soutiens aux besoins.

S’appuyer sur la communauté virtuelle est un élément indispensable pour assurer une information fiable. L’objectif est d’avoir des partenaires positionnés partout en France pour bénéficier d’informateurs situés au plus près de l’événement, notamment en suivant les comptes de journalistes basés en région. Grâce à leur expérience et leurs contacts, les volontaires ont pu identifier des acteurs de références partageant des informations fiables. Une connaissance assez fine des réseaux sociaux mais aussi de certains logiciels additionnels comme Tweetdeck[9] est nécessaire pour pouvoir faire le tri dans les informations. Le ressenti et l’expérience jouent également beaucoup dans la vérification des donnés. En effet, il faut parfois rechercher des hashtag avec des fautes d’orthographes ou tenter plusieurs mots clés.

Ces informations sont ensuite partagées via les réseaux sociaux. Chacun des membres de l’équipe possède un réseau différent ce qui permet d’élargir le nombre de personnes recevant le message. En effet, chaque volontaire a sa part de crédit chez ses suiveurs ce qui leur permet d’accompagner les autorités dans la transmission d’informations.

Le but est ainsi de servir d’entonnoir et de faire remonter les informations clés aux autorités pour les aider à s’organiser et à appréhender l’ampleur de la crise. Une collaboration s’est d’ailleurs progressivement instaurée entre le COGIC et VISOV qui a su devenir un partenaire incontournable en cas de crise. Par ailleurs, à la suite du retour d’expérience des attentats du 13 novembre dernier, le ministère de l’Intérieur a nommé Xavier Tytelman au poste de responsable MGSU au sein du COGIC, témoignant ainsi de la prise de conscience des décideurs en ce qui concerne l’utilité des réseaux sociaux en temps de crise.

Pour une meilleure pratique des réseaux sociaux en temps de crise

L’association VISOV diffuse également des messages de bonnes pratiques en temps de crise et hors temps de crise de la part des autorités. Elle partage notamment des infographies développées par les préfectures et les SDIS concernant des voies d’évacuations en cas de feu de forêt ou d’inondations.

VISOV tente d’élargir ses partenariats afin de sensibiliser un maximum d’organisations à l’utilisation des médias sociaux en temps de crise. La signature d’une convention avec le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Var a notamment permis la mise en place d’une équipe autonome de veilleurs sur les réseaux sociaux. Des partenariats ont également été établis avec les État-major interministériel de zone (EMIZ) du Sud et de l’Est de la France ainsi qu’avec le Centre régional d’information et de coordination routière Méditerranée (CRICRM). Une première convention avec une ville, Hyères (Var) a aussi été signée en février 2016.

Toute personne active sur les réseaux sociaux et ayant de bonnes connaissances en techniques de veille peut rejoindre l’association en tant que volontaire en remplissant le formulaire sur le site internet www.visov.org.

Il est également possible de venir en aide aux veilleurs lors de crises, en particulier en leur faisant remonter des informations sur le lieu de l’incident en ayant le réflexe, notamment sur Twitter de mettre @VISOV1 en copie et d’ajouter systématiquement le hashtag #MSGU afin de signaler tout tweet significatif ou urgent. En effet, toute personne étant en possession d’informations, de photos ou de vidéos pertinentes lors d’événements peut aider l’association en partageant ses données.

Alice Tourneur
A partir d’un entretien de A. Jouanneaux,
Membre du bureau VISOV et Chef du centre de secours de Massy
Membre du Comité Risques et entreprises de l’ANAJ-IHEDN
Risques-et-entreprises@anaj-ihedn.org

______

[1] http://www.visov.org/
[2] Baromètre du numérique 2015 –ARCEP (www.arcep.com)
[3] De l’événement accidentel à la menace de troubles graves, le COGIC a pour mission quotidienne de recueillir et d’analyser les informations ayant trait à la sauvegarde des populations, des biens et de l’environnement. Il renseigne, dans son domaine de compétence, le cabinet du ministre de l’Intérieur de toute situation justifiant de mesures d’urgence et peut répondre à toute demande d’expertise formulée notamment par les autorités préfectorales. Il met en œuvre les moyens nationaux d’assistance et de secours aux populations, en France au profit des départements et des zones de défense, comme à l’étranger dans le cadre de l’action humanitaire.
[4] Le CSEM est une ONG scientifique qui fédère les observatoires sismologiques de la région euro-méditerranéenne. Grâce aux 84 instituts membres dans 55 pays différents, le CSEM offre un service d’information sismique en temps réel.
[5] http://www.qwidam.com/
[6] http://www.cedralis.net/vialert/
[7] http://www.waze.com
[8] En argot Internet, un troll caractérise ce qui vise à générer des polémiques. Il peut s’agir d’un message, d’un débat conflictuel dans son ensemble ou de la personne qui en est à l’origine. Ainsi, « troller », c’est créer artificiellement une controverse qui focalise l’attention aux dépens des échanges et de l’équilibre habituel de la communauté
[9] TweetDeck est une application qui permet de consulter et gérer un ou plusieurs comptes Twitter.

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